Dans l’avion qui le conduisait mardi en Afrique, le souverain pontife a déclaré que la distribution de préservatifs n’était pas un moyen de lutte contre la pandémie mais qu’au contraire elle aggravait le problème. “S’il ne nous appartient pas de porter un jugement sur la doctrine de l’Eglise, nous estimons que de tels propos mettent en danger les politiques de santé publique et les impératifs de protection de la vie humaine”, a déclaré le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères, Eric Chevallier. Pour Christophe Dechavanne, “c’est d’autant plus scandaleux que l’on assiste à un relâchement très fort du port de la capote chez les jeunes et les homosexuels”, notamment en France. “Nous sommes le mauvais élève de l’Europe: chaque année, 6.500 personnes découvrent leur séropositivité, la moitié après des rapports hétérosexuels. Et malgré cela, nous utilisons de moins en moins de capotes”, constate-t-il. Christine Boutin (UMP), catholique pratiquante connu pour ses prises de positions assez conservatrices -notamment à l’encontre de l’avortement-, a de son côté estimé qu’il n’est «pas drôle de mettre le préservatif quand on fait l’amour». La ministre du Logement a ainsi expliqué qu’en matière de préservatif, «chacun fait comme il peut et comme il veut», «n’attendez pas du pape qu’il dise qu’il faut mettre le préservatif», a-t-elle expliqué au micro d’RTL. Le directeur de l’Agence nationale de recherches sur le sida Jean-François Delfraissy s’est dit «catastrophé par ce type de message extrêmement contre-productif alors même que le pape arrive dans le continent africain, le continent le plus touché par l’épidémie». «L’épidémie continue de façon massive, avec 3,5 millions de nouvelles contaminations par an, essentiellement dans les pays du sud» et «quasi exclusivement par voie sexuelle» a rappelé le Pr Delfraissy. Pour Quentin Sattentau, professeur d’immunologie à l’université d’Oxford, “cela représente un grand pas en arrière en matière d’éducation sanitaire, c’est totalement contre-productif et risque d’entraîner une augmentation des contaminations par le VIH en Afrique et ailleurs”. “Il existe un vaste corpus de témoignages publiés démontrant que l’utilisation du préservatif réduit le risque de contamination par le VIH mais n’entraîne pas d’augmentation de l’activité sexuelle”, a-t-il dit. Le monde compte quelque 33 millions de séropositifs et le sida a déjà tué 25 millions de personnes. “Tout ce qui réduira le sida sur un continent en crise tel que l’Afrique doit être le bienvenu”, a réagi Adeleke Agbola, juriste au Nigeria, le pays le plus peuplé d’Afrique. “Lorsque le pape dit que (les préservatifs) ne sont pas bons, c’est comme s’il disait que voyager en avion n’est pas sûr à 100% et qu’il faut donc ne plus le faire”, s’insurge le Dr Pat Matemilola, coordinateur du Réseau des Personnes vivant avec le VIH/sida au Nigeria. Le New York Times écrit dans un éditorial que le pape n’est pas crédible lorsqu’il “déforme des conclusions scientifiques” sur le préservatif. En France, l’ancien Premier ministre Alain Juppé a estimé que “ce pape (…) vit dans une situation d’autisme total”. “Aller dire en Afrique que le préservatif aggrave le danger du sida, c’est d’abord une contre-vérité et c’est inacceptable pour les populations africaines et pour tout le monde”, a-t-il dit sur France Culture. Les propos du pape constituent “presque un meurtre prémédité”, a estimé le député européen Daniel Cohn-Bendit dans le cadre de l’émission Questions d’Info LCP-France Info-AFP.